Da Nang: rencontre avec Tam, la fille de la base américaine

J’ai débarqué chez Tam un peu par hasard. Depuis mon arrivée à Da Nang, j’ai l’habitude de me rendre chez Kim Chuong Chicken (les quatre recettes de poulet de ce franco-vietnamien valent le détour). Mais on est encore le matin, et le bus qui me ramène à Hanoi part dans une heure et demie. Tant pis, pour cette fois je me glisse juste à côté.

Chez Tam: un magasin de location de surfs et son petit restaurant, quelques tables seulement. Les murs sont tapissés de photos. Certaines, en noir et blanc, remontent à la guerre du Vietnam. Les autres, en couleurs, témoigne des liens qu’a tissé la patronne avec ses clients.

Je viens à peine de terminer mon repas, lorsque la fameuse Tam me rejoint à table. La discussion s’oriente autour de la décoration particulière de son échoppe. C’est là que commence son histoire. Une de celles auxquelles on n’est jamais vraiment préparé, mais qui prennent aux tripes tellement elles sont racontées avec émotion.

Cette histoire, la voici, telle qu’elle est restée dans mes souvenirs:


Tam a grandi à Da Nang. À l’époque, une ville sans charme, bien loin de la station balnéaire – et troisième ville du Vietnam – qu’elle est devenue. Une ville toutefois non sans importance, puisqu’elle accueillait une base militaire américaine. Une famille pauvre, un père absent: Tam et sa sœur sont élevées par leur mère, seule.

Sa vie bascule le jour où, malade et délaissée, âgée de six ans à peine, Tam est prise en charge par un soldat américain attendri par son sort. Ramenée à la base militaire, elle ne la quittera qu’à la fin de la guerre du Vietnam.

L’improbable se produit plusieurs dizaines d’années plus tard, au début des années 2000, alors que Tam, désormais mariée, tient un restaurant/magasin de location de surf. Le jour où un touriste américain, la cinquantaine bien avancée, entre dans son échoppe. GI durant la guerre du Vietnam, c’est la première fois qu’il revient dans le pays. Il veut retrouver les lieux qu’il a fréquenté plus jeune.

Évidemment, tout a énormément changé. Mais à sa grande surprise, Tam se révèle être une guide hors-pair. Elle sait à quoi correspondent désormais les noms de lieux qu’utilisaient autrefois les Américains.

«J’ai grandi dans la base militaire», explique Pam en ouvrant un livre de photographies et d’articles de journaux d’époque.

Son client du jour s’arrête sur un cliché. Noir et blanc. Trois soldats en train de boire des bières à l’entrée d’un casemate. Ils semblent célébrer un anniversaire. Au milieu, une fillette vietnamienne semble s’amuser de leur ivresse.

L’Américain observe les trois visages : «C’est moi», s’exclame-t-il en pointant l’un d’entre eux, qui semble être le jubilaire. «Comment avez-vous obtenu cette photo?»

«C’est moi», lui répond Tam en désignant l’enfant.

Sauveur et sauvée réunis par le plus grand des hasards. On imagine l’émotion.


J’aurais voulu en savoir plus, mais il est déjà trop tard. Mon bus m’attend. Pas le temps pour une photo.

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